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Epstein-Barr Virus et sclérose en plaques

En 2022, deux études majeures sur le lien entre le Virus Epstein-Barr (EBV) et la sclérose en plaques (SEP) ont été publiées. Le Pr Jean Pelletier analyse pour nous les données de ces articles et leurs impacts pour les personnes atteintes de SEP.

Les causes de la sclérose en plaques (SEP) ne sont pas clairement établies. Il s’agit d’une maladie auto-immune inflammatoire responsable d’une atteinte démyélinisante du système nerveux central (cerveau, nerf optique et moelle épinière). Des facteurs de susceptibilité génétique (plus de 150 gènes sont impliqués) ainsi que des facteurs d’environnement (virus, tabac, …).

Depuis de nombreuses années, l’Epstein-Barr Virus (EBV - responsable de de la mononucléose infectieuse) est incriminé comme un des principaux facteurs de risque de la SEP. Ce virus est ubiquitaire et 90% des adultes sont infectés par EBV dans le monde, dont 50% avant l’adolescence (sans signe de mononucléose infectieuse) et 50% après l’adolescence (avec majoritairement une mononucléose infectieuse). Quels que soient l'âge et le mode de présentation au moment de l’infection, le virus persiste ensuite dans l’organisme durant toute la vie, le plus souvent à l'état latent.

Une étude récente (Ascherio et al. Science, janvier 2022) réalisée à partir de données concernant plus de 10 millions de militaires américains suivis durant 20 ans a été rapportée. Près de 5% de cette population n’avait pas été infecté par EBV. Durant cette période, 800 personnes ont débuté une SEP. Toutes les personnes (sauf une) avaient été infectées par EBV et le risque de développer une SEP était 32 fois supérieur pour les personnes ayant contracté ce virus EBV. Le délai entre l’infection EBV et les premiers symptômes de la SEP était en moyenne de 5 ans. Par ailleurs, une augmentation du taux sanguin de neurofilaments (marqueurs de l’atteinte neuronale) a été identifiée dans les suites de l’infection EBV. Cette étude confirme que le virus EBV est un facteur indispensable pour déclencher la maladie. Des études restent toutefois nécessaires pour évaluer l’impact de ce virus sur l’évolution de la maladie. Le recours à une vaccination contre EBV dans l’enfance pourrait toutefois permettre de diminuer l’incidence de la maladie (ou de la faire disparaitre).

Plusieurs études ont montré que le risque de développer une SEP était lié à une infection tardive à EBV (mononucléose infectieuse après l’adolescence). Une étude danoise très récente (Rostgaard et al. Brain novembre 2022) a étudié l’influence de la différence d’âge sur les frères et sœurs de développer une SEP lorsqu’un enfant contracte EBV. Cette étude a été réalisée à partir de plusieurs registres :

- 1) celui des enfants danois nés entre 1971 et 2018 (plus de 2,5 millions),
- 2) celui des cas de mononucléose infectieuse (près de 24 000 personnes) et
- 3) celui de SEP (près de 4 500 personnes).

Les résultats montrent l’effet protecteur sur le risque de développer une SEP si la différence d’âge est faible (la protection maximale par frère ou sœur est retrouvée en ayant un frère ou une sœur de 0 à 2 ans plus jeune), permettant d’éviter une infection tardive et rendant compte que l’exposition précoce à EBV s’avère protectrice vis-à-vis du risque de SEP. Ces résultats suggèrent qu'il serait possible de diminuer l’incidence de la maladie (ou de la faire disparaitre) grâce à un vaccin contre EBV administrée avant l'adolescence. Les raisons pour lesquelles l'infection précoce par EBV  pourrait prévenir la SEP, restent toutefois à élucider.

Outre l’impact de EBV dans le déclenchement de la maladie, une meilleure compréhension du rôle de la persistance du virus dans l’organisme sur l’évolution de la maladie pourrait aussi amener à développer des thérapeutiques ciblées sur ce virus.

 

Dernière mise à jour : 10/04/2024
Appelée SEP ou multiple sclerosis en anglais, la sclérose en plaques est une maladie neurologique qui détruit la gaine de myéline. Qu’elle soit de forme rémittente (à poussées) ou de forme progressive, il n’existe à ce jour aucun traitement curatif de cette affection. La Fondation ARSEP œuvre depuis 1969 avec ses bénévoles, aux côtés des facultés, de l’INSERM, du CNRS et de différents instituts de recherche médicale, dont l’ICM et Pasteur.